Analyse de la circulaire de rentrée de septembre 2020

22-09-2020

Le but de la circulaire de rentrée ministérielle est de donner le cadre de la préparation pour la rentrée scolaire. Elle est publiée le 10 juillet alors que les écoles ont préparé la rentrée autant que faire se pouvait et que les vacances ont débuté le 4 juillet, une preuve d’un ministère hors sol et peu en phase avec la réalité des écoles.
D’autre part, cette circulaire ne fait pas allusion à une rentrée “pas comme les autres”, pour le ministre la rentrée 2020 serait identique aux autres.

S’il est rappelé dans l’introduction que la réussite de l’enseignement à distance pendant le confinement et le faible taux d’élèves décrocheurs (préférons le terme « élèves décrochés ») sont dû au collectif et à l’esprit d’équipe, le reste du texte ne laisse guère de marge de manœuvre pour faire vivre ce collectif de travail.
D’autre part, le ministre confirme sa volonté de recourir aux outils numériques, ces derniers ayant
«  conduit à développer d’autres outils, d’autres compétences ou qualités comme l’engagement et l’autonomie », sans prendre en compte les difficultés rencontrées par la mise en place de l’enseignement à distance, par les familles notamment celles issues des milieux les plus populaires.

À travers quatre priorités, ce qui domine c’est l’individualisation des apprentissages et le renforcement des apprentissages fondamentaux (lire, écrire, compter et respecter autrui) :

   > protéger la santé des élèves et des personnels,
  >  développer l’esprit d’équipe tant chez les adultes que chez les élèves pour assurer notre mission fondamentale de transmission des savoirs et de réduction des écarts de niveau,
   > assurer la pleine inclusion de tous les enfants à besoins éducatifs particuliers,
  >  transmettre les valeurs civiques.

 Intervention des professeurs des écoles au collège
L’élément le plus surprenant est la possibilité pour les professeurs des écoles d’intervenir dans les collèges : "Les collèges peuvent offrir des parcours de soutien aux élèves qui éprouvent des difficultés à lire, notamment lors du test de fluence en 6e (...). Le chef d’établissement peut notamment proposer aux familles un parcours scolaire et périscolaire intégré du lundi au vendredi ou un parcours scolaire renforcé en lecture : jusqu’à 5 heures pourront être consacrées à la remédiation en lecture, écriture ou calcul. Ces heures peuvent être assurées par un professeur du collège ou un professeur des écoles. Elles sont organisées en petits groupes, sur le temps consacré à d’autres enseignements.” Cette mesure n’est pas seulement conjoncturelle mais pourrait se pérenniser.

 Des règles sanitaires maintenues
La rentrée se fera en présentiel pour tout le monde mais les règles sanitaires sont maintenues : gestes barrières, l’hygiène des mains, nettoyage et aération des locaux, tout comme le port du masque si la distanciation physique de 1m ne peut être respectée.

 Des moyens pour le 1er degré
La circulaire rappelle que “ des moyens sont alloués au premier degré car l’école primaire constitue la 1ère priorité du gouvernement en matière éducative” avec 1688 postes de PE supplémentaires et 4000 créations de postes d’AESH.
Les RASED seront aussi mis à contribution. « [Ils] contribuent de manière essentielle aux apprentissages des élèves les plus en difficulté. »
Enfin “de septembre à décembre, des moyens de remplacement non utilisés pourront mettre en place un accompagnement personnalisé avec une priorité pour les classes de CP”, un engagement plus que difficile à mettre en place au vu de la pénurie de postes de remplaçants au vu des besoins ces dernières années.
 
Les fondamentaux et l’individualisation

Jusqu’aux vacances de la Toussaint, «  les apprentissages doivent se concentrer sur les connaissances réputées acquises dans le cadre d’une scolarité ordinaire et nécessaire pour commencer leur année dans de bonnes conditions ».
Pour ceci, des objectifs pédagogiques prioritaires seront identifiés. Même si le ministre reconnaît que la logique de cycle donne de la souplesse, il préfère “personnaliser” les réponses aux difficultés de chacun plutôt que de mettre l’accent sur les dynamiques collectives. Le groupe classe n’est pas considéré comme une ressource qui peut « nourrir » chaque élève, et à laquelle chaque élève contribue. La vie d’une classe avec ses difficultés et ses richesses n’est pas évoquée.
 
Des évaluations standardisées
Le travail d’équipe, bien que loué dans l’introduction, n’est cependant pas requis pour mettre en place les outils d’évaluation des élèves. Alors que nous allons vivre une rentrée exceptionnelle, pour laquelle les enseignant.es vont avoir besoin de temps, pour le ministère le plus urgent serait d’évaluer : des évaluations nationales repères de début CP et CE1 et de mi CP sont à nouveau imposées aux équipes. Les premières se passeront du 14 septembre au 2 octobre. Ce sont les mêmes évaluations que celles des années précédentes pour des élèves qui n’auront pas eu classe durant plus de 2 mois. On est donc bien plus dans le pilotage du système que dans la mise à disposition d’outils utiles aux enseignant-es.
Pour les autres niveaux, des outils de positionnement seront mis à disposition des équipes dès la rentrée, «  courts, ponctuels, permettant de mesurer instantanément la maîtrise des compétences fondamentales et d’identifier les besoins pour chaque élèves. »
 
Recours au numérique
La seule évocation dans le document d’un éventuel reconfinement se fait par la mise en place d’un plan de continuité pédagogique pour assurer l’enseignement à distance. Des états généraux du numérique se tiendront au mois de novembre afin « de tirer un bilan de notre usage du numérique éducatif et dégager des perspectives de développement  ». Un travail est d’ailleurs réalisé avec les collectivités pour consolider et étendre les environnements numériques de travail.
Le recours aux outils numériques est fortement encouragé notamment pour l’aide personnalisée, le dispositif « Devoirs faits » ou les stages de réussite, qui pourront être proposés à distance aux familles.
 
Des nouveaux guides et une formation imposée

 Nouveau parcours M@gistère
Les enseignant.es de maternelle vont bénéficier d’un nouveau plan de formation, avec des guides tel que « Pour préparer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’école maternelle » et « Enseigner le vocabulaire à l’école maternelle » afin d’aborder les savoirs fondamentaux en maternelle ! Ces guides sont déclinés dans le dispositif « Je rentre au CP » qui propose un parcours d’apprentissage cohérent en grande section pour aborder au mieux les savoirs fondamentaux.
Cela fait partie d’un nouveau parcours M@gistère réalisé en partenariat avec l’Institut petite enfance.

Nouveaux guides
Plusieurs nouveaux guides seront publiés. Ils doivent mettre à la disposition de la communauté éducative le meilleur de la recherche et de la pédagogie sur les apprentissages des savoirs fondamentaux. Il sera convenu de s’appuyer sur les nouvelles ressources notamment avec France 4 et des guides pour l’enseignement des mathématiques au CP qui complète la collection « orange » et un guide de grammaires en 2 volumes.

 Plan Français
Après le « plan maths » c’est un « plan français » qui est imposé : «  tous les 6 ans, chaque PE bénéficiera de 5 jours annuels de formation en français et de 5 jours annuels de formation approfondie en mathématiques », en plus des 18 heures annuelles des animations pédagogiques. Ce que la circulaire ne dit pas c’est que ce plan français prévoit des visites de classe imposées, et des temps de formation qui peuvent avoir lieu pendant les vacances… mais pas sur la base du volontariat.

 Nouvelle formation direction d’école
Les directeurs.trices d’école bénéficieront de «  2 journées de formation par an et de nouveaux modèles de formation fondés sur le travail et les échanges entre pairs. » La circulaire ne dit pas comment ces temps de formations vont pouvoir s’organiser.

 Effectifs
Le ministre s’était déjà exprimé sur les effectifs des classes de GS, CP et CE1 en demandant que ceux-ci soient limités à 24 là où c’était possible. C’est confirmé par la circulaire mais à cette date, c’est un peu tard pour que les Dasen refassent la carte scolaire pour tendre vers cette préconisation. Normalement ça a été pris en compte lors des opérations de carte scolaire en mars ? le texte a bougé certes mais le 93 ne va pas revoir toute sa carte scolaire pour passer de CP à 14 à CP à 12 Le dédoublement des GS en éducation prioritaire se poursuit « pour être pleinement effectif à la rentrée 2021 ».
La circulaire rappelle que « le rassemblement en un même ministère des enjeux de l’éducation, de la jeunesse et des sports va permettre de développer des actions cohérentes fondamentales pour l’élève entre le temps scolaire et le temps périscolaire dès l’année 2020-2021. » Si le dispositif “2S2C” n’est pas mentionné dans la circulaire de rentrée, on peut penser qu’il n’est pas pour autant tombé aux oubliettes !

 Arts
Il est également rappelé que « les arts et la culture sont essentiels à la formation de l’esprit et au développement de la sensibilité des élèves ». « Pour marquer symboliquement cette ambition » il est demandé à chaque école de mettre en place une chorale d’école et d’effectuer la rentrée en musique. Quelle ambition !

 EPS
Concernant l’EPS, il est demandé aux PE d’assurer effectivement les 3 heures d’EPS par semaine. Mais la nouveauté vient des « 30 minutes » préconisées l’an passé en dehors des horaires d’EPS. L’EPS doit se faire notamment dans le cadre des 30 minutes d’activité physique quotidienne !

 PIAL
Les PIAL constituent dorénavant 2 tiers des collèges et ils ont pour vocation à devenir des lieux de formation initiale et continue. Un numéro vert sera également mis à disposition des familles des élèves en situation de handicap permettant l’écoute, l’information et l’accompagnement.

Cette circulaire confirme bien le déni de ce ministère de la situation vécue par l’école et du besoin des élèves de se retrouver et de retrouver un collectif de travail. La circulaire évoque le collectif mais n’installe rien qui puisse le faire vivre. On voit que le ministre poursuit ses obsessions : pilotage par les évaluations et renforcement des fondamentaux avec force de guides, de formations obligatoires et d’interventions des PE au sein des collèges. Aucun plan d’urgence, les DASEN n’ayant que peu de postes et ceux ci ayant déjà été fléchés, notamment vers le rural, cela ne permettra pas le renforcement des RASED ou du remplacement dont chacun sait qu’au bout de 3 semaines nous manquons.
Concernant l’Education Prioritaire, à part les effectifs limités à 12, aucune autre préconisation à cette rentrée. On peut craindre aussi une externalisation de l’art ou du sport. Autant d’éléments qui montrent que la lutte contre les inégalités n’est toujours pas de mise.
Aucun effort sur la formation qui pourrait nous préparer à une deuxième vague et donc d’un enseignement à distance ni aucun temps donné pour préparer la rentrée correctement sur le plan des apprentissages comme à d’autres scénarios d’école en fonction de la situation sanitaire.

Cette circulaire n’est d’aucune aide aux écoles, en revanche, elle constitue une charge supplémentaire à venir et une nouvelle preuve de la volonté de mise au pas des enseignant-es. Une forte pression sera mise sur les équipes et les élèves dès le début de l’année avec l’imposition des évaluations en CP et CE1 quinze jours après la rentrée mais également avec un objectif affiché d’avoir rattrapé le retard aux vacances de la Toussaint.
Cette nouvelle partie du quinquennat s’annonce autant en décalage avec les besoins du terrain et de l’école que la précédente.

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